L'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, à Tunis, le 10 mai 2024. (MOHAMED HAMMI / SIPA)
Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse, voix critique connue du président tunisien Kais Saied a été arrêtée. L'arrestation a été filmée en direct par France 24 depuis la Maison de l'avocat à Tunis où Sonia Dahmani s'était réfugiée. Selon des médias, Sonia Dahmani fait l’objet d’une enquête notamment pour diffusion de "fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique" et "incitation à un discours de la haine", en vertu du décret-loi 54.
Il était 19 h 45, samedi 11 mai à la Maison des avocats, siège de l’Ordre national des avocats tunisiens (ONAT), lorsque Maryline Dumas, la correspondante de France 24 à Tunis, effectuait son duplex en direct. Des policiers en civil, cagoulés, ont alors fait irruption dans le bâtiment, embarquant Sonia Dahmani hors du bâtiment dans une panique générale. Certaines personnes présentes ont tenté de s’interposer, avant d’être bousculées et jetées à terre. La caméra de France 24 a été renversée. Hamdi Tlili, journaliste et caméraman de la chaîne, a été pris à partie et brièvement arrêté par la police qui a tenté de confisquer son matériel, lui réclamant sa carte mémoire avec insistance.
Laroussi Zguir, président de la section de Tunis de l'Ordre des avocats : « Le bâtiment a été pris d'assaut par des dizaines d'agents des forces de sécurité masqués, qui ont fait usage de violence »
Jeudi, Sonia Dahmani avait reçu une convocation, à laquelle elle n’avait pas donné suite, pour comparaître vendredi devant un juge d’instruction sans que les motifs ne soit précisés, selon Me Msaddek. Sonia Dahmani avait expliqué à la presse qu’elle refusait de se présenter devant la justice "sans connaître les raisons de cette convocation". En raison de son absence, le juge d’instruction chargé de cette affaire a émis un mandat d’amener à son encontre. Les faits reprochés à cette chroniqueuse de télévision ? Des propos sarcastiques sur l'état du pays. Lors d'une émission diffusée sur la chaîne Carthage+ mardi 7 mai, cette figure du petit écran tunisien a lancé d'une façon ironique "de quel pays extraordinaire parle-t-on ?", en réponse à un autre intervenant qui venait d'affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne cherchaient à s'installer en Tunisie.
Un décret, promulgué en septembre 2022 par le président Kais Saied, punit de jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d’information et de communication pour "rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (...) dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique". En un an et demi, plus de 60 personnes, dont des journalistes, des avocats et des opposants à M. Saied, ont fait l'objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.